vendredi 13 juin 2008

La rose et le réséda


Après une longue absence je reprends ce blog (que j'ai bien failli ne jamais reprendre) sur une note volontairement optimiste

Voici un très beau poème d'Aragon qui a enthousiasmé mon adolescence et m'a servi depuis de "feuille de route" dans lequel je vois les symboles de la tolérance et du combat contre toutes les formes d'oppression et d'injustice.Appréciez-le commze je l'ai apprécié.Ancolies 38

La Rose et le Réséda

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats


Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera

Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda

Louis Aragon

Je vais essayer maintenant de vous dire pourquoi j'aimes ce poème :

Ce poème, qui a enthousiasmé mon adolescence, a été écrit et diffusé clandestinement en 1941 au moment des débuts de la résistance contre l’occupation allemande mais les symboles qu’il contient sont et seront toujours d’actualité.
J’y vois surtout 3 symboles :
- la Rose et le Réséda
- la Belle Prisonnière
- le Commun Combat

1. La Rose est une très belle fleur cultivée, colorée, très parfumée, le Réséda une toute petite fleur sauvage, inodore, verte et blanche. Elles sont tout à fait différentes sauf par leurs consonances magnifiquement utilisées par le poète.
Je vois dans cette comparaison un symbole de la Tolérance, de l’acceptation de la Différence .
Cette valeur est reprise tout au long du poème, comme dans une complainte, par les deux vers :
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas


2. La Belle…prisonnière : quand le poème a été diffusé clandestinement c’était évidemment le symbole de la France opprimée et privée de liberté par l’occupation allemande.
J’y vois actuellement le symbole de toutes les oppressions, les injustices et les non-respects des valeurs humaines.

3. Le Commun Combat symbolise actuellement pour moi le combat que nous avons tous à mener contre toutes les formes d’oppression et d’injustice. Pour que renaisse l’espoir des derniers vers :

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera

Colette
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