dimanche 10 mai 2009

Supprimer le juge d'instruction ?



Au moment où le Parquet vient d'intervenir en faisant appel dans plusieurs affaires judiciaires en particulier dans l'enquête ouverte par un juge d'instruction contre trois chefs d'état africains la question de la suppression du juge d'instruction se pose à nouveau.

Depuis qu'une réforme de la justice est envisagée, Eva Joly, ex-magistrate franco-norvégienne, longtemps juge d'instruction à Paris,s'est exprimée fréquemment et énergiquement;je lui laisse la parole car elle écrit simplement et clairement ce que je pense :

Monsieur le président,

Supprimer le juge d'instruction ne constitue pas une simple réforme de notre système pénal, mais porte atteinte au plus haut de nos principes, celui de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de la justice à l'égard du pouvoir politique.
Votre discours ne mentionne aucune garantie d'indépendance pour les enquêtes.
Ce silence, dans un domaine qui constitutionnellement vous échoie, porte la marque du stratagème politique.

Vous pensez que la légitimité politique prime sur tous les pouvoirs. Or c'est précisément pour contenir le désir de toute-puissance qui s'empare naturellement des gouvernants que les Lumières ont forgé le concept de séparation des pouvoirs.

John Locke l'a observé justement : "C'est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites."
Il ne fait pas bon en France incarner une de ces limites. Plus d'un magistrat en France peut en témoigner…..

Une justice dépendante, c'est une justice qui n'ouvre pas d'enquête lorsque les faits déplaisent au pouvoir
La liste des enquêtes non effectuées est impressionnante : les soupçons de corruption à l'encontre de Christian Poncelet, ex-président du Sénat ; les flux financiers allégués de Jacques Chirac au Japon ; les fortunes apparemment mal acquises des présidents africains placées en France ; le rôle supposé de la BNP Paribas dans les montages corrupteurs au Congo-Brazzaville et Congo-Kinshasa.

Rappelez-vous le massacre des Algériens à Paris le 17 octobre 1961. Il n'y eut jamais aucune enquête ! Aucune condamnation ! Parce que le parquet ne le jugea pas opportun. Est-ce cette face-là de la justice qu'il faut faire ressortir au XXIe siècle La justice aurait dû enquêter pour crever l'abcès…..

Le juge d'instruction est le fruit de notre histoire. Il n'existe pas ou a disparu en dehors de nos frontières.
Il peut évidemment être supprimé, mais à condition que sa disparition entraîne davantage de démocratie et non davantage d'arbitraire.
Peu importe qui mène les enquêtes pourvu que les magistrats soient préservés des pressions ; pourvu que les investigations puissent être conduites, ne soient pas étouffées dans l'œuf. Vous voulez confier les enquêtes au parquet ? Cela se peut, mais il faut alors rendre le parquet indépendant de votre pouvoir, ce qui, vous en conviendrez, n'a guère été votre choix….."

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